les principaux régimes matrimoniaux

1.LA COMMUNAUTÉ DE BIENS RÉDUITE AUX ACQUÊTS


Depuis la loi du 13 juillet 1965, applicable aux couples mariés après le 1er février 1966, le régime matrimonial légal est celui de la communauté de biens réduite aux acquêts. Cependant, le principe de la liberté des conventions matrimoniales (art. 1387 c civ) autorise les époux à adopter pour base un régime communautaire, tout en lui adjoignant des clauses particulières (cf. fiche sur ces clauses). En tout état de cause, s’imposent les dispositions du régime primaire (art.214 à 226 c civ).

1. LA RÉPARTITION DE L’ACTIF

Par définition, le régime légal se compose d’une masse commune qui ne comprend en principe que les « acquêts », c’est-à-dire les acquisitions réalisées à titre onéreux au cours de l’union. Chaque époux conserve donc des biens qui lui sont personnels, qu’il administre librement et dont il peut disposer à sa guise : les « biens propres ». Ainsi comptabilise-t-on trois masses de biens : les biens communs, les biens propres de l’épouse, les biens propres du mari.

L’actif commun
Il s’agit d’une catégorie « ouverte », qui repose sur une présomption de communauté : « tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi » (art.1402, al.1er c civ). Mis à part les biens qui ne sont communs qu’à la faveur de cette présomption, donc à défaut de preuve de leur caractère propre, on peut recenser trois catégories de biens communs:

1/ les acquêts provenant de l’industrie personnelle des époux (art.1401 c. civ.) : ce sont les biens acquis, durant le mariage, grâce aux gains et salaires des époux. Peu importe qu’ils soient achetés par les époux ensemble ou séparément, peu importe de savoir quels salaires financent l’opération, ils tombent dans la communauté.
De plus, bien que la question fût discutée, les gains et salaires eux-mêmes font ab initio partie de la masse commune. Ils conservent cette qualification, même s’ils ne sont pas employés.
Enfin, sont aussi communs tous les biens créés par un époux (objet artisanal, fonds de commerce, brevet, création littéraire ou artistique,…).

2/ les acquêts provenant des fruits et revenus des biens propres (art.1401). En outre, les fruits et revenus des propres ont eux-mêmes le caractère de biens communs (Cass 1e civ, 20 fév. 2007- B, n°67).

3/ les biens donnés ou légués à un époux avec clause d’entrée en communauté (art.1405, al.2 c. civ.).

L’actif propre
Les biens propres sont énumérés aux articles 1404 à 1408 c. civ.

1/ les biens propres par leur origine : ce sont les biens dont les époux avaient la possession ou la propriété avant de se marier, ainsi que les biens acquis à titre gratuit (donation, succession ou legs) en cours d’union.

2/ les biens propres par leur nature : les vêtements, les décorations, les bijoux,…. tous biens et droits exclusivement attachés à la personne. Il faut ajouter les instruments de travail nécessaires à la profession d’un époux, ainsi que les dommages et intérêts alloués en réparation d’un préjudice corporel ou moral (même si l’indemnisation prend la forme d’une rente).

3/ les biens rattachés à un propre : sont visés les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre (ex: maison construite sur un terrain propre, même avec des fonds communs; plus-values acquises par une entreprise propre,…), les portions de biens dont l’un des époux était déjà propriétaire par indivis.

4/ les biens subrogés à un bien propre : ces biens deviennent propres, soit par une subrogation automatique (le prix de vente d’un immeuble propre est propre), soit par un emploi ou remploi de fonds propres dans les conditions des art.1434 et 1435 c civ.

2. LA RÉPARTITION DU PASSIF

Deux précisions liminaires doivent être apportées pour une meilleure compréhension de la matière.
Tout d’abord, contre toute attente, il n’y a pas de symétrie entre l’actif et le passif. Ce serait erroné de croire que l’actif propre répond du passif propre d’un époux, tandis que l’actif commun répondrait du passif commun. Les règles sont plus subtiles.
Ensuite, il faut d’emblée introduire la distinction entre l’obligation et la contribution à la dette. Poser la question de l’obligation à la dette, c’est se demander sur quels biens un créancier peut-il se faire payer (question du passif provisoire). En revanche, la contribution à la dette concerne les rapports internes des époux : quel patrimoine supportera finalement le passif ?

Les dettes personnelles par nature
On en recense deux catégories :

1/ les dettes contractées par un époux avant de se marier : en principe, les créanciers peuvent saisir les biens propres de l’époux débiteur, ainsi que ses revenus (donc des biens communs). A supposer qu’elles soient acquittées au moyen de fonds communs, récompense sera due à la communauté (C. civ., art. 1412).

2/ les dettes attachées à une succession ou à une libéralité : idem que 1/.

Les dettes communes par nature
Une distinction peut être opérée :

1/ les dettes ménagères : l’art. 220, al.1er c civ posant un principe de solidarité ménagère, il n’est guère étonnant qu’à l’encontre de telles dettes, le gage des créanciers soit très étendu. Lorsqu’un époux contracte une dette, pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, il engage ses biens propres, ceux de son conjoint et les biens communs. Quant à la contribution, il s’agit d’un passif définitif de communauté (C. civ., art. 1409).De plus, ce texte visant « l’article 220 », sans distinguer les divers alinéas, il faut sans doute comprendre que la solution vaut également pour les dettes ménagères non solidaires.

2/ les dettes alimentaires : l’article 1409 du Code civil les traite comme les dettes ménagères, si bien qu’elles relèvent toutes du passif définitif de la communauté. Toutefois, visant « les aliments dus par les époux », ce texte invite à une distinction importante au regard de l’obligation à la dette. D’une part, lorsque les aliments sont dus par les deux époux codébiteurs (aux enfants communs, parents et beaux-parents), tous les biens du ménage sont engagés, même si au final seule la communauté est tenue. D’autre part, lorsque les aliments ne sont dus que par un seul époux (à un enfant non commun), la dette est traitée comme une dette « ordinaire », engageant donc les biens propres du débiteur et les biens communs, à l’exclusion des gains et salaires du conjoint.

Les dettes ordinaires
Ce sont toutes les autres dettes (ni personnelles par nature, ni ménagères, ni alimentaires.

1/ quant à l’obligation à la dette : le principe est inscrit à l’art.1413 c.civ.. Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant l’union, peut toujours être poursuivi sur les biens communs. De plus, l’époux ayant contracté la dette engage ses biens propres (mais pas ceux du conjoint : art.1418 c. civ.).

Ce principe comporte des exceptions. En premier lieu, les gains et salaires du conjoint sont exclus du gage des créanciers (art.1414 c. civ.). En deuxième lieu, les cautionnements et emprunts souscrits par un époux n’engagent les biens communs qu’à la condition que le conjoint ait donné son consentement exprès (art.1415 c. civ.). Enfin, en cas de fraude de l’époux débiteur et de mauvaise foi du créancier, seuls les biens propres du débiteur répondent de la dette (art.1413 in fine).

2/ quant à la contribution à la dette : en principe, toute dette née en cours d’union est supportée définitivement par la communauté (art.1409 C. civ.). Si elle est acquittée au moyen de deniers communs, elle n’ouvre donc pas droit à récompense.

Par exception, certaines dettes nées en cours de mariage doivent en définitive n’être assumées que par l’époux qui les a contractées. Elles relevaient du passif provisoire de la communauté, mais sont finalement à la charge personnelle de l’époux débiteur. Ainsi lorsqu’elles ont été contractées dans l’intérêt personnel (art.1416 c. civ.) ou résultent d’un fait illicite de ce dernier (art.1417 c. civ.). Si elles ont été réglées avec des fonds communs, récompense est donc due à la communauté.

3. LA GESTION DES BIENS

Elle s’organise autour d’une règle simple: stricte égalité des époux dans la gestion des biens communs et indépendance de chacun dans la gestion de ses biens propres.

La gestion des biens communs

1/ le principe de la gestion concurrente : la communauté est devenue, dit-on, « un aigle à deux têtes » : chaque époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer (art.1421 c. civ.). Chacun d’eux exerce les pouvoirs d’un administrateur ordinaire et peut donc accomplir seul les actes conservatoires, les actes d’administration et certains actes de disposition, sous réserve des règles du régime primaire. Toutefois, ces pouvoirs sur les biens communs sont limités en cas de faute (caractérisée) ou de fraude. Ainsi, lorsqu’un époux utilise ses pouvoirs de gestion pour porter atteinte à la communauté (ex: il loue un bien commun à un loyer insignifiant, afin de privilégier le locataire), son acte est-il inopposable au conjoint.

2/ les exceptions à la gestion concurrente :
1ère exception – la gestion conjointe : 
Compte tenu de leur gravité, certains actes sont soumis à la cogestion des époux, c’est-à-dire que ceux-ci doivent tous deux donner leur accord (donation de biens communs; affectation de biens communs à la garantie de la dette d’un tiers; aliénation d’immeubles, de fonds de commerce ou exploitations dépendant de la communauté; transfert de biens communs dans un patrimoine fiduciaire; perception de capitaux provenant d’une opération soumise à cogestion; conclusion de baux commerciaux, artisanaux ou ruraux portant sur des biens communs).
Le dépassement de pouvoirs par un époux est sanctionné par une action en nullité ouverte au conjoint dont le consentement à l’acte aurait été nécessaire.

2ème exception – la gestion exclusive : 
Bien que portant sur des biens communs, certains actes ne peuvent être accomplis que par un époux déterminé. Tout d’abord, lorsqu’un époux exerce une profession séparée, il a « seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci » (art.1421, al.2 c. civ.)... le tout sous réserve des articles 1422 à 1425. Ensuite, chaque conjoint peut librement percevoir ses gains et salaires et en disposer, après s’être acquitté des charges du mariage (art.223 c. civ.).

3ème exception – les modifications judiciaires des pouvoirs en cas de crise : 
Si un époux se trouve, de manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l’inaptitude ou la fraude, l’autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs. L’époux ainsi habilité par justice, en vertu del’art.1426 c. civ., concentre tous les pouvoirs.

La gestion des biens propres 
La règle est énoncée à l’art.1428 c. civ.: « Chaque époux a l’administration et la jouissance de ses propres et peut en disposer librement » . Reprise à l’art.225 c. civ., texte du régime primaire, elle revêt un caractère impératif. En conséquence, en l’absence de mandat, l’acte d’administration ou de disposition, passé par un époux sur les biens propres de son conjoint, encourt l’annulation.

Cette indépendance de gestion des biens propres supporte toutefois deux limites. D’une part, même si le logement de la famille est propre à l’un des époux, il est soumis à la cogestion (art.215,al.3 c civ). D’autre part, lorsqu’un époux se trouve, de manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de sa famille, soit « en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire » (art.1429 c civ), il peut être judiciairement dessaisi de ses droits d’administration et de jouissance, à la demande de son conjoint.

4. LA DISSOLUTION DE LA COMMUNAUTÉ

Les causes de dissolution
L’article 1441 du Code civil en fournit la liste limitative et impérative : la mort d’un époux, l’absence déclarée, le divorce, la séparation de corps, la séparation de biens judiciaire, le changement de régime matrimonial. Les époux ne peuvent pas conventionnellement décider que leur communauté sera maintenue nonobstant la survenue de l’une de ces causes ; ils ne peuvent pas non plus convenir d’une autre cause de dissolution de leur communauté.
Toutefois, ils peuvent demander, l’un ou l’autre, que dans leurs rapports mutuels, l’effet de la dissolution soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer (art.1442 c. civ.).

L’indivision post-communautaire
Au jour de sa dissolution, la communauté prend fin et cède de suite la place à une indivision post-communautaire. Tant que le partage n’est pas réalisé, celle-ci est soumise au droit commun de l’indivision (art.815 à 815-18 c. civ.).

La masse indivise se compose activement de tous les biens, meubles ou immeubles, qui constituaient des biens communs. Elle n’est cependant plus alimentée par les gains et salaires des époux; de même les fruits et revenus des biens propres restent-ils personnels. Bien évidemment, en sont exclus les biens propres, lesquels font l’objet d’une « reprise » par l’époux propriétaire.

Quant au passif, certains créanciers peuvent agir sur les biens indivis et donc être payés avant le partage : ceux qui pouvaient saisir ces biens avant qu’il y eût indivision, ceux dont la créance est née de la conservation ou de la gestion des biens indivis et ceux qui ont tous les coïndivisaires comme débiteurs solidaires (art.815-17 c civ). En revanche, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent pas saisir les biens indivis; ils peuvent seulement provoquer le partage.

La liquidation de la communauté
Elle désigne « l’ensemble des opérations tendant, sinon à la réduction de la communauté dissoute à un solde en espèces liquides, du moins à l’établissement d’une situation nette susceptible d’un règlement par voie de partage » (F. Terré et Ph. Simler, « Les régimes matrimoniaux », Dalloz, 6e éd., 2011, n°638).

1/ les récompenses et les créances entre époux :
*la théorie des récompenses : en cours de communauté, des transferts de valeurs se produisent entre la masse commune et les patrimoines propres des époux (ex : un immeuble commun est financé au moyen de deniers propres à l’un des époux; des fonds communs remboursent la dette personnelle d’un conjoint), de sorte qu’apparaissent des créances et des dettes de la communauté vis-à-vis de chaque époux : les récompenses.
La communauté doit récompense toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres (art.1433,al.1er c civ), mais il incombe à l’époux propriétaire de prouver son droit à récompense. Réciproquement, toutes les fois qu’un époux tire un profit personnel des biens communs, il en doit la récompense (art.1437 c civ).

Incluses dans un compte indivisible, les récompenses ne sont réglées qu’après la dissolution de la communauté. Elles sont alors évaluées par application de l’art.1469 c civ. 
En principe, la récompense est égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Par exception, elle ne peut pas être moindre que la dépense faite lorsque celle-ci était nécessaire. Enfin, elle ne peut pas être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve dans le patrimoine emprunteur, au jour de la liquidation. C’est dire que le créancier de la récompense ne subit pas l’éventuelle dépréciation monétaire : il profite de la plus-value procurée au bien. La récompense est une dette de valeur.

*les créances entre époux : à proprement parler, elles ne transitent pas par la communauté et ne concernent donc que les patrimoines propres des époux (ex: des fonds propres de l’un permettent de régler une dette du conjoint née avant le mariage). Elles sont évaluées comme les récompenses (art.1479 c civ).

2/ le partage : l’art.1476 c civ renvoie, à cet égard, aux règles établies au titre « Des successions » pour les partages entre cohéritiers.

Amiable ou judiciaire, le partage se fait par moitié : lorsque tous les prélèvements ont été effectués sur la masse, le surplus se partage par moitié entre les époux (art.1475 c civ), sous réserve de l’hypothèse de recel.
En principe, la répartition des biens dans chaque lot doit se faire en nature, moyennant le versement d’une soulte le cas échéant. Par exception, certains biens peuvent faire l’objet d’une attribution préférentielle (ex : entreprise ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à laquelle a participé un époux) : art.831 à 834 c civ.

Le partage a un effet déclaratif : les biens placés dans le lot d’un époux sont censés lui appartenir depuis le jour où la communauté a été dissoute, dans les rapports patrimoniaux des conjoints.

Sont également applicables les règles du droit des successions, relatives à la garantie des copartageants, à la rescision pour lésion, au droit d’intervention reconnu aux créanciers afin de prévenir la fraude à leurs droits.

Quant au passif, selon la pratique notariale, il est d’abord déduit de l’actif, afin de permettre le partage d’un actif net. Cependant, s’il reste un passif commun à régler, se posent à nouveau les questions de l’obligation et de la contribution à la dette (art.1482 à 1491 c civ).

*l’obligation :. chaque époux peut être poursuivi pour la totalité des dettes entrées en communauté de son chef : les créanciers peuvent saisir tous ses biens. En revanche, chacun d’eux ne peut être poursuivi que pour la moitié des dettes entrées en communauté du chef de son conjoint (sauf si les dettes sont indivisibles ou solidaires), sous réserve du bénéfice d’émolument qui lui permet de limiter le droit de poursuite des créanciers (art.1483 c civ).

*la contribution :. la répartition définitive des dettes entre les époux (ou leurs héritiers) répond aux règles applicables en cours de communauté. Les dettes qui auraient été communes à titre définitif sont supportées par moitié par chaque époux; celles qui auraient été communes à charge de récompense sont entièrement supportées par l’époux qui aurait dû la récompense (art.1485 c civ)..

2.LA SÉPARATION DE BIENS

1 .LA SÉPARATION DE BIENS PURE ET SIMPLE

C’est le régime du « chacun pour soi », qui convient plus particulièrement aux couples ayant un grand souci d’indépendance et/ou exerçant une profession à risques.

L’actif

  •  Comme il n’existe aucune masse commune, chacun des époux conserve les biens qui lui appartiennent au jour de la célébration du mariage et devient seul propriétaire de tous ceux qui lui adviennent par la suite, de quelque manière que ce soit (donation, succession, acquisition à titre personnel, …).
  • Toutefois, rien n’interdit aux conjoints d’acheter un bien ensemble (ex: logement de la famille). Il en résulte deux conséquences importantes :

– selon une jurisprudence classique fondée sur l’article 1538 du Code civil, les deux époux acquièrent la propriété du bien indivis, sans qu’il y ait lieu d’avoir égard à la façon dont l’acquisition est financée (Cass. 1e civ., 5 oct.1994- B, n°273). Cependant, celui qui prouve avoir financé la part de l’autre a la possibilité d’obtenir une créance, lors de la liquidation du régime.
– Les époux ayant acheté un bien ensemble, il se crée une indivision, non pas une communauté. En conséquence, le partage peut être demandé à tout moment, sans attendre la dissolution du régime (Cass. 1e civ., 22 octobre 1985- B, n°267).

Le passif
La règle est simple, inscrite à l’article 1536, alinéa 2 du Code civil : chacun des époux reste seul tenu du passif né de son chef, avant ou pendant le mariage, exception faite des dettes ménagères qui sont en principe des dettes solidaires des deux conjoints (C. civ., art. 220).

La gestion
En principe, chaque époux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels (C. civ., art. 1536, al. 1er). Il n’empêche qu’en pratique, l’un d’eux peut accorder à l’autre, soit un mandat exprès d’administration de ses biens, soit un mandat tacite. En revanche, celui qui gère les biens du conjoint malgré son opposition, est responsable des suites de son immixtion (C. civ., art. 1540, al. 3). 
Cette indépendance des époux trouve toutefois une limite, dans la mesure où certains biens sont toujours soumis à la cogestion (ex: C. civ., art. 215, al. 3, pour le logement de la famille).

La liquidation et le partage
En théorie, la séparation des patrimoines, caractérisant le régime de la séparation de biens, devrait rendre inutile la liquidation. En pratique, deux questions demeurent délicates.
La première difficulté concerne l’indemnisation de la collaboration non rémunérée, consentie par un époux à l’autre. Traditionnellement, la Cour de cassation admettait que l’époux « appauvri » pût recevoir une indemnité, fondée sur l’enrichissement sans cause du conjoint et correspondant à la plus faible des deux sommes que représentaient cet enrichissement et cet appauvrissement (Cass. 1e civ., 26 octobre 1982- B, n°302). 
Mais, récemment, elle a évincé le caractère purement indemnitaire de la créance et les règles de l’enrichissement sans cause, préférant appliquer l’article 1543 du Code civil (texte qui renvoie à l’article 1479, renvoyant lui-même à l’article 1469, alinéa 3 du même code). La créance du conjoint collaborateur est désormais déterminée en fonction du profit subsistant réalisé par l’époux débiteur, lorsqu’elle procède de l’acquisition, de l’amélioration ou de la conservation de l’un de ses biens… alors même que la « valeur empruntée » (C. civ., art. 1469, al. 3) consiste dans l’industrie personnelle fournie par l’époux créancier (Cass. 1e civ., 12 décembre 2007- B, n°390). Cette solution fera-t-elle florès ?
La seconde difficulté concerne l’évaluation de la créance de l’époux ayant financé l’immeuble indivis qui constitue le logement de la famille. Selon un arrêt du 14 mars 2006, le paiement par le mari d’un emprunt, ayant financé partiellement l’acquisition par l’épouse du logement de la famille, participe de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage (C. civ., art. 214) : aucune créance n’est à calculer (Cass. 1e civ., 14 mars 2006- B, n°160). Mais, aux termes d’un arrêt du 18 mai 2011 rendu dans des circonstances analogues, la Cour de cassation a retenu le droit à créance de l’époux qui avait seul financé le logement de la famille (Cass. 1e civ., 18 mai 2011- RJPF, sept. 2011, p. 30, obs. F. Vauvillé).Cette solution est-elle fixée ?

2. LA SÉPARATION DE BIENS AVEC SOCIÉTÉ D’ACQUÊTS

Tout en maintenant le régime séparatiste comme régime de base, les époux peuvent adjoindre une société d’acquêts, c’est-à-dire une masse commune, limitée à un ou plusieurs biens déterminés ou à une catégorie de biens.
Cette société d’acquêts est en principe régie par toutes les dispositions relatives aux biens communs dans le régime légal, sauf convention contraire des époux.
Bien que combinant les avantages du régime séparatiste et ceux du régime communautaire, cette convention de mariage peut poser problème lors de la liquidation. Ainsi, lorsque la société d’acquêts comprend l’immeuble qui constitue le logement de la famille et que celui-ci change au cours de l’union, que devient l’ancien logement ? Reste-t-il dans la masse commune ? Ce point est à prévoir lors de la rédaction du contrat de mariage.

3. LA PARTICIPATION AUX ACQU^ÉTS

1. LE FONCTIONNEMENT DU RÉGIME

Selon l’article 1569 du Code civil, « (…) Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens… ». Les deux patrimoines des époux sont donc bien distincts. A l’actif, on trouve les biens dont chaque époux est propriétaire au jour de la célébration du mariage, ceux qui lui adviennent par succession, donation ou legs, ainsi que ceux qu’il acquiert à titre onéreux.

Corrélativement, chaque conjoint répond seul de l’ensemble de ses dettes, sous réserve des dettes ménagères (C. civ., art. 220). Il n’y a ni actif commun, ni passif commun. Ainsi, si les époux achètent ensemble un bien, celui-ci devient-il indivis.

De même que sous le régime de la séparation de biens, les époux bénéficient d’une totale autonomie dans la gestion de leurs biens : « chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels… » sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la gravité des actes ou l’origine des biens.

Toutefois, certaines hypothèses imposent la cogestion, soit en vertu d’une disposition du régime primaire (logement de la famille, bail d’habitation), ou des règles de l’indivision, ou encore d’un texte spécifique du régime de la participation aux acquêts. En effet, dans la mesure où l’enrichissement de chaque époux dépend notamment de la bonne gestion de son conjoint, la loi prévoit une protection contre certains actes d’appauvrissement. Ainsi l’article 1573 du Code civil invite-t-il l’époux qui fait donation d’un acquêt, à obtenir le consentement de l’autre. A défaut, le bien donné sera réuni fictivement au patrimoine final de l’époux donateur, de façon à ne pas nuire aux droits du conjoint.

2. LA DISSOLUTION DU RÉGIME

A la dissolution du régime, le principe séparatiste cède la place à une philosophie communautaire, chacun des époux ayant alors « le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre » (C. civ., art. 1569).

La détermination de la créance de participation
La liquidation de la créance de participation suppose d’établir un bilan patrimonial pour chaque époux. Il faut déterminer et évaluer, pour chacun d’eux, le patrimoine originaire (C. civ., art. 1570 et 1571), puis le patrimoine final (C. civ., art. 1572 à 1574). Ensuite, en déduisant le patrimoine originaire du patrimoine final, on dégage les « acquêts nets », c’est-à-dire l’enrichissement obtenu en cours d’union. S’il existe des acquêts nets de part et d’autre, ils doivent être compensés ; seul l’excédent se partage. L’époux le moins bien nanti est alors créancier de la moitié de cet excédent : il reçoit la créance de participation (C. civ., art. 1575).
S’il advient qu’au lieu de s’être enrichi en cours d’union, l’un des époux se soit endetté, il supporte seul ce déficit. La participation aux acquêts n’entraîne pas la participation aux dettes !

Le règlement de la créance de participation4
En principe, la créance de participation est payée par le versement d’une somme d’argent immédiatement exigible ; toutefois, l’époux débiteur peut solliciter du juge des délais de paiement (qui ne peuvent excéder cinq ans), s’il rencontre des « difficultés graves » (C. civ., art. 1576). 
Par exception, elle peut être réglée par l’abandon d’un bien appartenant à l’époux débiteur, soit du consentement des deux époux, soit par décision du juge. Ce règlement en nature est considéré comme une opération de partage, lorsque les biens attribués n’étaient pas compris dans le patrimoine originaire ou lorsque l’époux attributaire vient à la succession de l’autre. Dans les autres cas, il s’agit d’une dation en paiement.
Le dernier alinéa de l’article 1576 précise que « la liquidation n’est pas opposable aux créanciers des époux : ils conservent le droit de saisir les biens attribués au conjoint de leur débiteur ».