L’acquisition par des couples en union libre

Références :
Textes : Articles 815 & suivants du Code Civil
Article : Etude Wargny Lelong & Associés et Conseil Supérieur du Notariat

Aucune règle spéciale ne régit le concubinage. L’acquisition d’un immeuble par les concubins nécessite donc l’application du droit commun, et son adaptation aux spécificités du concubinage.

I – L’ACQUISITION EN INDIVISION

Il s’agit d’un mode classique d’acquisition commune. Les concubins achètent directement le bien en indivision, chacun étant ainsi propriétaire d’un certain pourcentage du bien.
Les droits de chacun sont en principe fixés par l’acte d’acquisition. Si rien n’est prévu, ils sont chacun propriétaires de la moitié du bien.
Il est important que la part de chacun dans l’immeuble corresponde à la part effectivement payée par chacun. En cas de discordance, les droits de chacun sur l’immeuble ne seront pas modifiés.
Mais cela pourra être source de conflits, liés à la qualification de ce surplus de financement. S’agit-il d’une donation ? Dans ce cas, le concubin ayant financé plus que sa part ne pourra être remboursé. Mais le second concubin subira alors la lourde fiscalité attachée aux donations entre concubins, et pourrait être tenu de verser une indemnité de réduction aux héritiers réservataires du premier si cette donation porte atteinte à leur réserve. S’agit-il au contraire d’un prêt ? Le concubin ayant financé plus que sa part pourra alors être remboursé, mais en principe uniquement du nominal donné, sans réévaluation selon la valeur du bien indivis (sauf si peut s’appliquer l’article 815-13 du Code civil). Pour éviter ces problèmes de qualification, survenant généralement à une période délicate (séparation, décès de l’un des concubins), il faut que la part de chacun corresponde au financement réel. Si tel n’est pas le cas, cette discordance peut être utilement qualifiée (de prêt ou de donation) par les concubins, et ce dès l’acte d’acquisition.

Les difficultés en cas de séparation
En cas de séparation, apparaît tout d’abord le risque que l’un des concubins n’use de son droit de demander le partage (article 815 du Code civil). L’immeuble sera alors vendu à un tiers, à moins que l’un des concubins n’accepte de céder ses droits à l’autre (l’attribution préférentielle ne pouvant être accordée par le juge en cas de concubinage).
Par ailleurs, si l’un des concubins habite seul l’immeuble indivis après la séparation, il sera redevable d’une indemnité d’occupation (article 815-9 du Code civil).
Surtout, la liquidation de l’indivision nécessitera l’établissement d’un compte d’indivision. Comme exposé ci-dessus, ce compte pourra être difficile à établir si la quote-part de chacun ne correspond pas au financement réellement effectué par chacun.

Les difficultés en cas de décès d’un concubin
Le concubin survivant n’a aucun droit successoral dans la succession du prédécédé. Par conséquent, si aucune donation ni aucun legs n’a été consenti, la part du prédécédé reviendra à ses héritiers légaux. Le bien sera donc en indivision entre le concubin survivant et les héritiers du prédécédé. Chaque indivisaire pourra alors demander le partage (article 815 du Code civil). Si le survivant continue d’occuper les lieux, il sera alors redevable aux héritiers du prédécédé d’une indemnité d’occupation (article 815-9 du Code civil).
Pour pallier ce problème, on peut a priori insérer dans l’acte d’acquisition une clause de tontine, qui permet de considérer fictivement que le survivant est propriétaire du tout dès l’origine. Cette clause de tontine présente cependant de très importants inconvénients (notamment l’impossibilité de mettre fin au pacte tontinier sans l’accord des deux, et une fiscalité très lourde si l’immeuble commun vaut plus de 76 000 ).
Pour protéger le survivant, il est plus souvent conseillé que chaque concubin rédige un testament, par lequel il lègue au survivant la pleine propriété de ses droits indivis, ou l’usufruit de ses droits. Cette solution ne protège toutefois le survivant que de façon imparfaite : outre la lourde fiscalité des libéralités entre concubins (60 %), les héritiers du concubin prédécédé pourront demander au survivant une indemnité de réduction si ce legs porte atteinte à leur réserve. Ce risque existe que les enfants du concubin prédécédé soient ou non communs au couple.

Exemple : un couple de concubins achète chacun pour moitié une maison d’une valeur de 300 000 . L’un d’entre eux décède, laissant deux enfants, et léguant à sa concubine la pleine propriété de ses droits sur l’immeuble. S’il ne possédait aucun autre bien, sa concubine doit verser aux enfants une indemnité de réduction de 100 000 .

II- L’ACQUISITION PAR LE BIAIS D’UNE SCI

Le mécanisme
Les deux concubins créent une société civile immobilière (SCI), en effectuant un apport en numéraire, la société achetant l’immeuble. S’ils sont déjà propriétaires d’un immeuble, ils peuvent également l’apporter à la SCI. Les concubins ne sont pas propriétaires de l’immeuble (qui appartient à la SCI), mais de parts sociales.

Les avantages de l’acquisition indirecte
Si les concubins se séparent, aucun d’entre eux ne pourra imposer à l’autre le partage (et donc la vente de l’immeuble), puisqu’il n’existe aucune indivision.
Le recours à la SCI est surtout particulièrement utile en cas de décès de l’un des concubins. Plutôt que de procéder à un legs des droits sociaux (qui présente les mêmes inconvénients que le legs de droits indivis), les concubins vont, de leur vivant, procéder à un échange croisé de l’usufruit de leurs parts sociales. L’un va transférer à l’autre l’usufruit de ses parts sociales, et ce réciproquement. Il s’agit alors d’un acte à titre onéreux, ce qui écarte les lourds droits de mutation à titre gratuit entre concubins, et la réduction pour atteinte à la réserve des descendants.
Exemple : Monsieur X et Madame Y constituent une SCI, destinée à acheter leur future maison. Monsieur X détient les parts 1 à 50, et Madame les parts 51 à 100. Ils procèdent à un échange, grâce auquel Monsieur est nu-propriétaire des parts 1 à 50, et usufruitier des parts 51 à 100, Madame Y étant nue-propriétaire des parts 51 à 100, et usufruitière des parts 1 à 50. Si MonsieurX décède le premier, Madame Y sera plein propriétaire des parts 51 à 100, et usufruitière des parts 1 à 50. Elle pourra donc continuer à utiliser le logement. La nue-propriété des parts 1 à 50 figurera dans la succession de Monsieur X, et sera transmise à ses héritiers. Ils deviendront pleins propriétaires de ces parts au décès de Madame Y.

Les inconvénients de l’acquisition indirecte
Ils sont liés à l’existence de la SCI, et tout d’abord à la création de cette société. Cela occasionnera en effet des frais (rédaction des statuts et immatriculation de la société). Par ailleurs, la société devra fonctionner effectivement, ce qui nécessitera la tenue d’une assemblée générale annuelle, la tenue de registres sociétaires, …