L’adoption pleinière

L’adoption résulte d’un jugement qui créé entre deux personnes un lien juridique de filiation, lequel n’est pas fondé sur un lien du sang.
Le droit français connaît deux types d’adoption : d’une part l’adoption plénière, modèle de référence, qui rompt les liens de l’adopté avec sa famille biologique et, d’autre part, l’adoption simple qui emporte des effets moins radicaux.


Textes :

  • Article 343 à article 359 du Code civil
  • Articles 1165 et suivants du Code de procédure civile

1. CONDITION DE FOND

CONDITIONS RELATIVES À L’ADOPTANT

L’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans. En revanche, des concubins, fussent-ils pacsés, ne peuvent pas adopter conjointement un enfant (C. civ., art. 346). 
L’adoption peut également être demandée par une personne célibataire âgée de plus de 28 ans, homme ou femme. Il peut donc s’agir, le cas échéant, d’une personne veuve, divorcée, pacsée, hétérosexuelle ou homosexuelle.

Toutefois, dans la mesure où l’adoptant est en principe seul investi de tous les droits d’autorité parentale à l’égard de l’adopté (C. civ., art. 356), il est fortement déconseillé à un concubin d’adopter l’enfant mineur de sa compagne (ou inversement).

De plus, la Cour de cassation s’oppose à l’adoption au sein du couple homosexuel. Dans un arrêt du 9 mars 2011, elle a indiqué qu’en acceptant l’adoption de son enfant par sa partenaire, la mère biologique perdrait son autorité parentale, alors qu’elle présentait toute aptitude à l’exercer ; de plus, l’article 365 du Code civil ne prévoit le partage de l’autorité parentale qu’en cas d’adoption de l’enfant du conjoint (auquel n’est pas assimilable l’enfant du partenaire) : Cass. 1e civ., 9 mars 2011- AJFamille, avril 2011, n°205, note F. Chénedé.

Par ailleurs, une personne peut adopter même si elle a déjà des enfants biologiques. Simplement, le tribunal vérifie que l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale (C. civ., art. 353). 
Enfin,

l’adoption posthume est envisagée à l’article 353, al. 3 du Code civil : si l’adoptant décède, après avoir régulièrement recueilli l’enfant en vue de son adoption, la requête peut être présentée en son nom par le conjoint survivant ou l’un de ses héritiers. Une telle adoption ne donne cependant pas à l’adopté vocation à la succession du défunt.

CONDITIONS RELATIVES À L’ADOPTÉ

Quant à l’âge de l’adopté : en principe, l’adoption plénière est réservée

aux enfants âgés de moins de 15 ans, accueillis au foyer de l’adoptant depuis au moins six mois.
Toutefois, l’article 345 du Code civil admet deux tempéraments. Lorsqu’avant d’avoir atteint ses 15 ans l’enfant a, soit été accueilli par des personnes qui ne remplissaient pas encore les conditions légales, soit fait l’objet d’une adoption simple, son adoption plénière peut encore être demandée jusqu’à son vingtième anniversaire.
En tout état de cause,

le mineur âgé de plus de 13 ans doit consentir personnellement à son adoption (C. civ., art. 345, al. 3), par acte authentique. Il peut se rétracter à tout moment jusqu’au prononcé de l’adoption.

Quant à la situation familiale de l’adopté : on recense trois catégories d’enfants adoptables, car placés dans une situation d’abandon :

1/ les enfants dont les parents ou le conseil de famille consentent à l’adoption. Décision grave appartenant aux titulaires de l’autorité parentale, l’adoption nécessite le consentement du père et de la mère de l’enfant, si la filiation est établie à leur égard.
Si un parent est décédé, ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, ou s’il a perdu ses droits d’autorité parentale, ou si la filiation n’est pas établie à son encontre, le consentement de l’autre suffit (C. civ., art. 348 et art. 348-1). 
Le consentement doit être donné par acte authentique, devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français; il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis.
Quelle que soit la personne habilitée à recueillir le consentement, elle doit informer celui qui le donne de la possibilité de se rétracter, dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à la personne ou au service ayant recueilli le consentement à adoption (CPC, art. 1165). La remise de l’enfant à ses parents, sur demande même verbale, vaut également preuve de la rétractation (C. civ., art. 348-3).

2/les pupilles de l’Etat : il s’agit d’enfants dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue, recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois (par ex: nés sous X), ou bien d’orphelins de père et de mère confiés à ce service depuis plus de deux mois, ou d’enfants expressément abandonnés par les titulaires de l’autorité parentale depuis plus de deux mois, ou d’enfants dont les parents ont été déchus de leur autorité parentale.
Tous ces enfants peuvent devenir pupilles de l’Etat par arrêté du Président du conseil général et, en conséquence, adoptables.

3/les enfants déclarés judiciairement abandonnés : selon l’article 350 du Code civil, ces enfants ont été recueillis par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, et leurs parents s’en sont « manifestement désintéressés pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon ». 
L’enfant déclaré abandonné, par le tribunal de grande instance, devient adoptable.

CONDITIONS RELATIVES AUX RAPPORTS ENTRE L’ADOPTANT ET L’ADOPTÉ

L’adoption ayant pour objet de consacrer un rapport filial, la loi exige une différence d’âge de 15 ans entre l’adoptant et l’adopté. Toutefois, elle se contente d’une différence de dix ans, dans le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint. De surcroît, en présence de « justes motifs », le tribunal peut prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est moindre (C. civ., art. 344). 
Par ailleurs, le législateur accepte qu’un enfant puisse être adopté par une personne avec laquelle il est déjà rattaché par un lien de parenté ou d’alliance (C. civ., art. 344 et 348-5). Mais, l’intention doit être « pure et le risque de confusion pour l’enfant réduit » (J. Hauser, RTDCiv 1998, p.359).
Aussi l’adoption d’un enfant par ses grands-parents n’est-elle pas systématiquement prononcée (Cass 1e civ, 16 oct.2001 qui, dans la crainte d’une confusion des générations, rejette la demande d’une grand-mère – D.2002, p.1097, note F. Boulanger).

2. EFFETS

A compter du jour du dépôt de la requête (C. civ., art.355), l’adoption plénière produit un effet radical : elle confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine (C. civ., art.356).

EN PRINCIPE, L’ENFANT ADOPTÉ PERD TOUT LIEN AVEC SA FAMILLE PAR LE SANG

Il ne peut plus porter le nom de ses parents biologiques, lesquels perdent toute autorité parentale à son égard. En outre, disparaissent les droits et obligations réciproques (droits successoraux, obligation alimentaire) entre cet enfant et sa famille d’origine.

Ce principe supporte deux exceptions. En premier lieu, sont maintenus les empêchements à mariage tenant aux anciens liens de parenté ou d’alliance dans la famille par le sang (C. civ., art. 356, al. 1er in fine). En second lieu, l’adoption de l’enfant du conjoint laisse subsister la filiation d’origine de l’enfant à l’égard de ce conjoint (qui n’est autre que son père ou sa mère biologique) et de sa famille.

L’ADOPTÉ EST TOTALEMENT ASSIMILÉ À UN ENFANT « LÉGITIME » DE L’ADOPTANT

Cet enfant a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant autrefois qualifié de légitime.

En cas d’adoption individuelle, l’adopté acquiert en principe le nom de l’adoptant.

En cas d’adoption plénière par deux époux, l’enfant porte, selon le choix des adoptants, soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés, dans l’ordre voulu par eux et dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux (C. civ., art. 357).
Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant.

Au plan patrimonial, il existe une obligation alimentaire réciproque entre l’enfant et les membres de sa famille adoptive. De plus, l’enfant est héritier, non seulement de l’adoptant, mais aussi de sa famille, tant en ligne directe que collatérale. Il obtient également de plein droit la qualité de réservataire à l’égard de ses parents adoptifs et de leurs ascendants. Réciproquement, s’il décède sans enfant, sa succession est dévolue comme s’il était un enfant par le sang.

L’ADOPTION PLÉNIÈRE EST IRRÉVOCABLE

Ce principe, énoncé à l’article 359 du Code civil, connaît deux tempéraments.

Une nouvelle adoption peut être prononcée, soit après le décès de l’adoptant, ou des deux adoptants, soit encore après le décès de l’un des deux adoptants, si la demande est formée par le nouveau conjoint du survivant d’entre eux (C. civ., art. 346, al. 2).

Enfin, s’il est justifié de « motifs graves », est permise l’adoption simple d’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière (C. civ., art. 360).Autrement dit, en cas d’échec d’une adoption plénière, il est possible d’envisager une autre adoption, mais une adoption simple.