La maison de famille

Comment gérer une propriété de famille, au mieux des intérêts de chacun, lorsqu’elle a vocation à être utilisée par plusieurs occupants, souvent de plusieurs générations ?

Cette question est récurrente dans les familles, tant la gestion au quotidien d’un tel bien peut s’avérer semée d’embûches :

  • les charges sont importantes, des travaux sont à prévoir, qui va les payer ?
  • les parents sont un peu âgés, et ne peuvent plus s’occuper seuls de la maison, que faire ?
  • les enfants ont tous fondé une famille, et veulent venir en même temps pendant les vacances scolaires, comment s’organiser ?
  • combien de fois a-t-on entendu à propos d’une maison de famille, quelqu’un répéter “ce sont toujours les mêmes qui s’en occupent” ?

Deux principaux modes de détention sont à analyser : Société Civile Immobilière (SCI) ou Indivision ?

I – LES ÉCUEILS DE L’INDIVISION

Les principaux inconvénients de l’indivision

  • Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ;
  • Le partage peut toujours être provoqué (article 815 du C.C). Tout indivisaire, quelle que soit l’importance de sa part, peut saisir le Tribunal.

Ceci n’est pas à redouter dans une SCI. Elle est habituellement créée pour une durée relativement importante.

Elle ne pourrait être dissoute avant terme que par une décision des associés disposant de la majorité.

Dans une indivision ordinaire, il n’y a pas de gérant

Les décisions importantes ne se prennent qu’avec le consentement de l’unanimité des indivisaires.

Pour les actes d’administration, une majorité des 2/3 est requise (article 815-3 du C.C) ; il faut cette majorité pour prendre des initiatives telles que réfection de peinture ou changement de moquette.

Une convention d’indivision pourrait éventuellement être retenue (article 1873-1 & s du C.C.).

Elle permet de désigner un gérant dont le mandat est toutefois d’une portée limitée.

Il pourra éventuellement être révoqué sans délai par ceux qui l’ont donné.

La convention d’indivision est par ailleurs conclue pour une durée de 5 années maximum.

L’unanimité sera nécessaire pour la renouveler.

II – POURQUOI CRÉER UNE SCI ?

  • Eviter l’indivision et ses facteurs de blocage
  • Gestion plus souple, transmission facilitée.

I – Les pour et les contre la SCI

  • Les pour

La SCI permet d’acquérir, à plusieurs, un bien immobilier en évitant les inconvénients de l’indivision.

Les clauses d’agrément permettent de contrôler toute entrée dans le capital à l’occasion d’une transmission (vente, donation, succession).

Le gérant peut se voir conférer par les statuts les pouvoirs les plus larges y compris celui de contracter les emprunts nécessaires à la réalisation de l’objet social et à la vente de l’actif social avec remploi dans le respect de l’objet social.

  • Les contre

Les associés ne sont pas propriétaires des biens immobiliers, mais détiennent les parts sociales.

Les restrictions à la liberté de cession des parts portent atteinte à leur valeur.

Les droits des minoritaires sont moins protégés en S.C.I. qu’en indivision.

Si la S.C.I. est endettée, les associés sont responsables du passif sans limite de montant, chacun à proportion de sa part dans le capital social (article 1857 du C.C)

Aucune hypothèque ne peut être prise sur les parts de société.

II – Les modalités de gestion

L’avantage déterminant de la SCI est sans aucun doute son mode de gestion :

  • les associés se réunissent en assemblée générale pour prendre les décisions importantes, à des règles de majorité qu’il est possible de déterminer dans les statuts
  • pour les décisions courantes, un gérant est nommé, mais ils peuvent être plusieurs, ou la gérance pour tourner entre les associés

Il peut être conféré au gérant les pouvoirs les plus étendus pour gérer et éventuellement pour vendre ; en pratique, il peut agir seul dans la plupart des cas.

En présence de mineurs, la gestion est facilitée par rapport à une indivision.

La gestion d’une SCI est-elle une contrainte pratique pour les familles ?

Pas nécessairement, car les assemblées générales peuvent se tenir de façon “informelle”, par exemple en décembre, lorsque les familles se réunissent pour les fêtes de fin d’année : cela peut devenir un rite familial fédérateur.

Bien souvent, la société a été créée il y a quelques années, à l’initiative des enfants et des petits-enfants, sous la médiation des grands-parents, et tous les enfants et petits-enfants se réunissent alors en fin d’année pour tenir l’assemblée générale de la société civile, avant le repas familial.

L’ordre du jour porte sur l’approbation des comptes ainsi que sur la répartition du calendrier des week-ends et des vacances.

A l’occasion de cette assemblée générale annuelle, le gérant, présente le rapport de gestion et soumet les comptes sociaux à leur approbation.

Le gérant propose :

  • Le règlement de différentes questions : travaux à envisager – appels de fonds nécessaires
  • La répartition du temps selon la méthode du « mini-timeshare »
  • Chaque année, les semaines de vacances ou les principaux week-ends sont repartis en tenant compte des souhaits de chacun et en s’attribuant les meilleures périodes à tour de rôle.
  • L’existence de sites internets permettant à chacun à distance de “réserver” diverses périodes d’occupation, facilite désormais grandement la tâche du gérant.

Il est recommandé pour des raisons de psychologie familiale, de changer régulièrement de gérant, ou en tout cas de proposer un changement de gérance régulier : cela responsabilise chacun, évite le sentiment qui peut naître que l’un ou l’autre décide toujours, et démontre aux “mauvaises langues” de la famille, que cela représente un investissement personnel important et nécessaire.

III – La maîtrise du capital de la SCI

Possibilité de contrôler la réparation du capital.

Toute transmission à un tiers est règlementée par les statuts ; la vente, la donation et la succession doivent recevoir l’agrément des associés.

Cette restriction peut éventuellement s’appliquer aux conjoints et aux enfants.

Cette clause est toutefois à double tranchant : elle est favorable aux associés qui entendent rester dans la société ; elle se révèle pénalisante pour celui qui veut en sortir.

En effet, les associés peuvent refuser d’agréer un acquéreur ou un donataire ou un héritier.

Ils sont alors tenus de racheter ces parts au prix qu’ils auront le loisir de fixer.

En indivision, les modalités de cession sont différentes.

Lorsque l’indivisaire veut céder ses parts, la seule prérogative dont disposent les autres, est un droit de préemption au prix proposé par un tiers.

Conclusion

La rédaction des statuts d’une SCI est un acte délicat.

La fixation du capital, sa répartition, l’objet de la société (ce dernier ne doit pas être commercial – attention notamment à la location en meublé saisonnière, qui peut être considérée comme telle), les pouvoirs du gérant, les clauses d’agrément,… exigent une rédaction précise et pointue desdits statuts.

Il est en outre conseillé de tenir annuellement une assemblée générale avec une comptabilité simplifiée, un compte Recettes et Dépenses ; le tout rédigé sur le Registre des assemblées.