La question de la transmission du patrimoine est hautement sensible en France. Le 15 octobre, Yaël Braun‑Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a relancé le débat : pourquoi taxer davantage les héritages ? « Le truc qui vous tombe du ciel, à un moment ça suffit », a-t-elle déclaré, évoquant les transferts massifs de patrimoine intergénérationnels.
Elle précise néanmoins que l’objectif vise surtout les “super-héritages” (0,1 % des Français les plus riches) : « Il est légitime que ceux qui travaillent dur puissent offrir une vie digne à leurs enfants et petits-enfants », nuance-t-elle.
La France parmi les pays européens les plus exigeants
Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2019 les prélèvements sur successions et donations représentaient 1,4 % des recettes fiscales françaises, seuls les États-Belgique obtenant un ratio supérieur. En comparaison, certains pays européens comme l’Autriche, la Suède ou l’Estonie n’imposent plus les héritages.
Dans d’autres pays (Allemagne, Italie, Danemark, Grèce), la taxation existe, mais à un niveau nettement inférieur à celui de la France.
Un abattement modeste pour les héritages en ligne directe
En France, un parent peut donner jusqu’à 100 000 € à chaque enfant tous les 15 ans sans être imposé. Ce seuil est pourtant bien plus faible qu’en Allemagne (≈ 391 000 €) ou en Italie (≈ 978 000 €).
Or, la transmission du patrimoine est devenue dominante : selon une étude du Centre d’analyse stratégique (CAS) devenu le Conseil d’analyse économique (CAE), 60 % du patrimoine des Français provient d’un héritage, contre 35 % au début des années 1970.
Les “super-héritiers” dans le collimateur
Une note de la Fondation Jean‑Jaurès (septembre 2024) indique que 60 % des 100 plus grandes fortunes françaises sont issues de l’héritage. D’après un autre rapport de la Organisation française de lutte contre la pauvreté et pour la justice sociale (Oxfam France), les 0,1 % des ultra-riches « ne s’acquittent que de 10 % des droits de succession » via des montages.
La France devrait connaître, d’ici quinze ans, un transfert patrimonial sans précédent : plus de 9 000 milliards d’euros transmis aux générations suivantes.
Vers un changement de cap ?
Si la France décidait d’augmenter encore la taxation des successions, elle irait à contrecourant de la tendance mondiale. En effet, le produit des droits de succession dans l’OCDE est en déclin depuis les années 1960 : il représentait 1,12 % des prélèvements obligatoires en 1965, 0,43 % en 1980, et 0,38 % en 2019.
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron envisageait d’alléger les droits de succession (notamment en augmentant l’abattement de 100 000 € à 150 000 €), mais cette mesure n’a jamais été mise en œuvre.