Dans les années à venir, les transmissions vont se multiplier, conséquence de la démographie. Pour réussir ce passage de relais, l’anticipation est un impératif.

Les économistes appellent ce phénomène “La Grande Transmission” : d’ici à 2040, le quart du patrimoine français va changer de mains, soit la somme de 9 000 milliards d’euros. La démographie explique ce phénomène, en raison de la disparition progressive des classes nombreuses dites du “baby boom”, nées entre 1946 et 1964. Or, cette génération a eu l’opportunité de se constituer un important patrimoine, grâce à une conjoncture économique favorable.

La Fondation Jean-Jaurès, qui s’est penchée sur le phénomène, estime que les plus de 60 ans, qui représentent 25% de la population, détiennent 60 % du patrimoine immobilier total. Autant dire que le bouleversement qui s’annonce va être considérable.

Une étude de l’Insee montre par ailleurs que les ménages héritent de plus en plus tard : plus de 6 ménages sur 10 héritent à plus de 60 ans, les “boomers” bénéficiant, et c’est tant mieux, d’une espérance de vie qui n’a cessé d’augmenter. Mais des héritiers de 60 ans ont déjà l’essentiel de leur vie derrière eux. Il serait sans doute mieux pour les familles et pour la société que les transmissions aillent à des bénéficiaires plus jeunes. Pour cela, un seul mot d’ordre : anticiper.

Anticiper et choisir une stratégie

Selon maître Cyrille Lelong, cette anticipation doit traiter aussi bien l’aspect familial que fiscal du problème : “Si l’on ne traite que l’aspect fiscal, des tensions familiales peuvent se créer”, affirme-t-il. Par ailleurs, il conseille la vigilance lorsqu’il s’agit de transmettre la résidence principale : avec l’augmentation de l’espérance de vie, les parents peuvent avoir à changer de lieu de vie, et donc avoir besoin de capitaux.

Au-delà de ces conseils généraux, votre notaire peut vous aider à mettre en place une stratégie qui permettra aux plus jeunes de disposer de quelques moyens, notamment pour accéder à la propriété, ce qui devient de plus en plus difficile pour eux. Donations et donations-partages bénéficient d’un régime fiscal avantageux tout en permettant de transmettre en avance.

De manière générale les enfants bénéficient d’un abattement de 100 000 euros sur leur part d’héritage. La taxation n’intervient qu’au-delà de cette somme. De même, une donation en ligne directe d’une somme de 100 000 euros, qui peut être effectuée par le père ou la mère, ne sera pas taxée. Cet abattement est de 31 865 euros entre grands-parents et petits enfants.

De plus, l’opération peut être renouvelée tous les 15 ans. On peut ajouter à cette facilité l’exonération supplémentaire des dons d’argent, qui sont dispensés d’impôt dans la limite de 31 865 euros mais sous réserve de remplir des conditions strictes. Ces dons d’argent peuvent eux aussi être renouvelés tous les 15 ans.

Penser au démembrement

Le recours au démembrement de propriété entre usufruit et nue-propriété peut être envisagé.

En donnant uniquement la nue-propriété d’un bien à un enfant, on diminue le montant des droits à acquitter. De plus, au décès des parents, il récupèrera la pleine propriété sans droits supplémentaires. Et, avantage non négligeable, l’usufruit permet au parent de conserver l’usage du bien jusqu’à son décès.

Autre possibilité : la donation temporaire d’usufruit. Elle permet de donner des revenus à des enfants à un moment où les parents, dans la dernière phase de leur carrière, ont moins besoin de moyens. La retraite venue, ils récupèreront cet usufruit pour améliorer leur revenu.

Cet usufruit temporaire est valorisé à 23% par tranche de dix ans. Si cet usufruit porte sur un immeuble et que le bénéficiaire n’est pas dans le même foyer fiscal, le donateur peut en outre sortir l’immeuble de la base taxable de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Un bémol toutefois : attention à l’équilibre familial. Cette donation sera prise en compte lors de la succession afin de respecter la réserve héréditaire.

On peut aussi avoir recours à la donationpartage, qui constitue un véritable atout pour organiser à l’avance la répartition des biens entre les héritiers, et qui présente l’avantage de geler la valeur des biens transmis au jour de la donation.

Par ailleurs on peut prévoir de sauter une génération et de donner à ses petits-enfants. Cela peut leur permettre par exemple de financer des études, d’acquérir un premier bien immobilier ou de créer une entreprise.

Pour la transmission des entreprises, le Pacte Dutreil a déjà démontré son utilité afin d’éviter d’avoir à céder l’outil de travail pour payer les droits de succession. Le Pacte se définit par un engagement de conservation des parts de l’entreprise par les héritiers, afin de la conserver en fonction. Dans ce cas, les droits à acquitter sont réduits de 75%.

La Grande Transmission va certainement changer la société. Mais au niveau individuel, les familles ne sont pas démunies pour s’y préparer. Aux “boomers” de jouer.